La seule chose qui ne nous réserve plus aucune surprise chez Woody Allen, c'est la régularité avec laquelle il enchaine ses films. Un par an, depuis des décennies. On ne s'en plaint pas, ô loin de là, d'autant que pour tout le reste, il demeure, même auprès des connaisseurs les plus avertis, plein de surprises !
Après un film lumineux l'an dernier (le délicieux Magic in the Moonlight) il revient en 2015 avec une vraie tragi-comédie, un conte noir dont il a le secret.
C'est une première collaboration avec un Joaquin Phoenix parfait pour l'emploi, dans un rôle de prof de philo désabusé et cynique, dont l'aura délétère attire de façon aussi franche qu'incompréhensible, toutes les femmes qui croisent son chemin. De cet homme paumé, en passe de renoncer faute de parvenir à en profiter, à ce que peut offrir la vie, sortira comme d'une chrysalide un véritable héros aux certitudes adolescentes, persuadé d'avoir saisi le sens profond de la vie.
Cette métamorphose est provoquée par l'idée, folle, d'un homme qui n'a plus rien à perdre : commettre un crime à but humanitaire et tuer un homme qui nuit à ses pairs. Mais alors qu'il pensait tout perdre suite à cet acte désespéré, l'inverse se produit et sa vie reprend du sens.
Si la pensée philosophique distillée par Abe dans ses cours et ses actions peut paraître un brin futile, elle cache toutefois une réflexion pas si sotte sur la valeur d'une vie ou sur le côté un peu simpliste d'une définition manichéenne du bien et du mal. Il interroge la morale et les valeurs que l'on porte en soi, en opposition à celles que l'on prône, dans un cynisme grinçant.
Mais loin d'être dévoré par ce cynisme, le film de Woody Allen trouve son équilibre grâce au personnage d'Emma Stone, disciple loin d'être aveuglée par les certitudes de son maître et qui questionnera sa légitimité.
Mais loin d'être dévoré par ce cynisme, le film de Woody Allen trouve son équilibre grâce au personnage d'Emma Stone, disciple loin d'être aveuglée par les certitudes de son maître et qui questionnera sa légitimité.
L'Homme irrationnel n'est certes pas le plus subtil des films d'Allen mais il est justement dosé et oscille sans jamais basculer, entre romance, drame, comédie et polar. On s'amuse autant qu'on s'agace auprès de ces personnages imparfaits, sans jamais regretter d'avoir mis le pied dans la salle.
★★★☆☆
L'Homme Irrationnel (Irrational Man), Woody Allen (sortie le 14 octobre 2015)
Avec Emma Stone, Joaquin Phoenix, Parker Posey - USA - 1h35
Synopsis
Professeur de philosophie, Abe Lucas est un homme dévasté sur le plan
affectif, qui a perdu toute joie de vivre. Il a le sentiment que tout ce qu'il a entrepris n’a servi
à rien. Peu de temps après son arrivée dans l’université d’une petite
ville, Abe entame deux liaisons. D’abord, avec Rita Richards, collègue
en manque de compagnie. Ensuite, avec Jill Pollard, sa meilleure étudiante,
qui devient aussi sa meilleure amie. Tandis que les troubles
psychologiques d'Abe s’intensifient, Jill est de plus en plus
fascinée par lui.
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