Mommy, Xavier Dolan (2014)


2014 manquait un peu de grand film, de ceux qui marquent et qui claquent. Et puis sort Mommy, qui balaie d'un revers dédaigneux tout le reste de l'actu ciné. Mommy, on en a parlé partout, alors on se méfie et puis Xavier Dolan, 25 ans... vraiment ? Vraiment oui !!
Mommy, plus gros coup de coeur de l'année, rejoint mes (TRÈS) rares film 5 étoiles !

Dans un Québec vaguement futuriste (une légère dose d'anticipation qui déroute un peu au départ mais n'est là que pour poser un contexte), Diane récupère la garde de son fils adolescent, jeune ange démoniaque ou démon angélique à la personnalité clivante. On sent leurs rapports pleins de tension ponctués de drames, au premier rang desquels la mort du père de Steve. Leur relation va se stabiliser au contact de la voisine, Kayla, que l'on devine elle-aussi complètement étouffée (étranglée, littéralement, au point que les mots ne viennent plus) par un drame familial. Un équilibre précaire qui ne fonctionne que grâce au déséquilibre de chacun en le poussant vers les autres.

Cette stabilité que l'on comprend éphémère, donne aux moments les plus anodins un souffle grandiose qui bouleverse et incite à profiter de chaque instant de la vie, quand à chaque moment tout peut basculer. Mommy montre la beauté des choses vues par celui qui sait qu'elle ne dureront pas. L'émotion, vive et omniprésente, prend à la gorge dès les premières minutes et ne nous lâche plus jusqu'au plan final et bien au-delà, au rythme de montagnes russes émotionnelles qui ne laisseront personne indifférent.

Dans un argot québécois imagé et percutant, quasi incompréhensible pour un Français de France mais aux sonorités aussi drôles que tragiques, on découvre des personnages rebelles et pleins d’esbroufe. Vulgaire sans jamais l'être, Diane parle fort et possède une garde-robe improbable. Elle est à l'image de son langage, poésie prolétaire qui illumine un milieu loin d'être glamour. La scène dans la cuisine par exemple, lorsque le trio entonne une chanson de Céline Dion, est parfaitement magnifique : d'une chanson cheesy on fait un hymne d'où l'on puise sa force. Pendant un moment fugace, la beauté et l'amour transcendent l'uglytude et les bâtons que la vie se met dans les roues...

La tension, fil conducteur de tout le film, tient au fait que l'on devine le drame imminent. Les signes annonciateurs du point de rupture se succèdent et on les espère trompeurs, tout comme Diane qui tente désespérément de faire avancer sa famille. Au milieu de ces personnages flamboyants pour une histoire et un milieu qui ne le sont pas, on se prend à rêver, comme eux et pour eux, d'un avenir meilleur. Douce utopie que la vie, cruelle, ne permet pas. Le fil de l'histoire va se dérouler implacablement, comme un élastique dont on soulagera parfois la tension, à l'image de ce cadrage si particulier et si inspiré.

Le film est présenté, dans sa grande majorité, au format carré. Inhabituel et déroutant, il illustre le carcan dans lequel se trouvent les personnages et qui parfois, comme dans ce moment de grâce absolue au son d'un morceau d'Oasis, s'élargit dans une envolée lyrique fabuleuse. La musique, omniprésente dans le film, joue un rôle déterminant : des tubes pas toujours très fins mais chargés des émotions qui ont ponctué nos vies et celles des personnages.

De cet amour épuisant, absolu et réciproque que Diane voue à son fils, ne devrait sortir que du bon. Il sort en tout cas un film magnifique, dont l'émotion brute emporte tout sur son passage. Xavier Dolan avait déjà fait fort avec "Laurence Anyways" (à découvrir si vous ne l'avez pas vu !!), et marqué les esprits avec "J'ai tué ma mère" il y a quelques années, sur un thème similaire. Il se surpasse ici et pourrait bien être l'un des meilleurs réalisateurs des années à venir !
★★★★★

Mommy, Xavier Dolan (sortie le 8 octobre 2014)
Avec Anne Dorval, Suzanne Clement, Antoine-Olivier Pilon - Canada - 2h19

Synopsis
Une veuve mono-parentale hérite de la garde de son fils, un adolescent TDAH impulsif et violent. Au coeur de leurs emportements et difficultés, ils tentent de joindre les deux bouts, notamment grâce à l’aide inattendue de l’énigmatique voisine d’en face, Kyla. Tous les trois, ils retrouvent une forme d’équilibre et, bientôt, d’espoir.

Une cinéphile

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