Bande de Filles, Céline Sciamma (2014)


J'aime beaucoup Céline Sciamma et ses films. Les thématiques qu'elle aborde sont toujours intéressantes et portent tant un témoignage qu'un questionnement sur ce qui au premier abord peut sembler aller de soi. Tomboy notamment, était en ce sens un vrai petit chef d'oeuvre.

Bande de fille aborde, comme ses films précédents, une quête identitaire, sous la forme d'un parcours initiatique, depuis la prise de conscience jusqu'à l'affirmation de soi. A cela près qu'on se concentre ici sur une dimension raciale et sexuelle, l'affirmation de soi par l'intégration au sein d'un groupe de pairs (la bande de filles) ou d'un groupe plus large (la société).

Le contraste de cette réflexion sur le papier (qui me parlait, avant d'avoir vu le film) avec le résultat est d'autant plus étonnant que le film résonne finalement comme un bon gros cliché...

Salué partout pour avoir eu l'audace de montrer des femmes noires à l'écran (passons sur le fait qu'on présente gaiement comme audacieux un film dont les rôles principaux ne sont pas des hommes blancs. En 2014...), le film cantonne pourtant ces femmes noires dans des rôles de cliché ambulant : la fille de banlieue à l'avenir inexistant... De l'échec scolaire à la prostitution, en passant par le racket et la domination masculine, tout y passe. So much pour le discours inspirant ou la représentation positive.

Si la maitrise de la mise en scène est comme toujours chez Sciamma très pointue (la scène du début où les filles rentrent une à une chez elles ; la scène de la chambre d'hôtel, de la chanson de Rihanna à l'enlacement des corps, par exemple), le film dénote malgré tout une grosse lacune en termes d'analyse politique ou de sociologie. Il aurait par ailleurs été nettement moins impactant de faire un film aussi pauvre au niveau de l'analyse, si le casting avait été moins engagé. En choisissant de ne prendre que ces actrices et en mettant l'accent sur cet aspect dans ses interviews, dans notre société, Céline Sciamma a fait un geste politique, engagé. Impossible ensuite de faire un film qui se retire de cet engagement.

Or c'est précisément ce qu'elle fait, semant le trouble dans ses intentions.
Elle a probablement voulu, comme pour Tomboy, faire de son film non une analyse mais en quelque sorte le constat d'une certaine réalité. Sauf qu'en faisant le choix de montrer cette réalité en ayant fait ce choix de casting, impossible de rester dans la neutralité de la fiction. Je ne prête à la réalisatrice aucune intention raciste (au vu de ces films précédents ce serait étonnant), néanmoins par cette sous-analyse et un sujet à mon sens mal maitrisé, je pense que ce film est raté ou tout du moins passe-t-il complètement à côté de ses objectifs.

Et c'est tellement dommage, quand on voit le potentiel de certaines actrices, notamment Karidja Touré qui irradie littéralement l'écran ! Pourvu que cette expérience lui soit profitable et la mène vers une carrière riche de rôles variés et non uniquement de banlieusarde paumée !

★★☆☆☆

Bande de Filles, Céline Sciamma (sortie le 22 octobre 2014)
Avec Karidja Touré, Assa Sylla, Lindsay Karamoh - France - 1h52

Synopsis
Marieme vit ses 16 ans comme une succession d’interdits. La censure du quartier, la loi des garçons, l’impasse de l’école. Sa rencontre avec trois filles affranchies change tout. Elles dansent, elles se battent, elles parlent fort, elles rient de tout. Marieme devient Vic et entre dans la bande, pour vivre sa jeunesse.

Une cinéphile

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