Voilà un film qui porte bien son nom ! Creepy est en effet parfaitement malaisant, un véritable conte noir dans lequel le réalisateur maîtrise la gêne et distille le doute aussi bien dans les esprits des spectateurs que dans ceux des personnages.
Avec Kurosawa, difficile de savoir réellement qui sont les héros et qui sont les méchants... On navigue en permanence sur le fil du rasoir et le moins qu'on puisse dire c'est que la position n'est guère confortable. Les zones d'ombre sont légion mais aucune ne restera inexplorée ; pourtant, tout se joue dans la lisière - de la caméra et de l'oeil - de la perception car le sujet du film ne repose pas tant sur la résolution d'une énigme (passionnante au demeurant) que sur ce que l'on devine, presque malgré soi, juste en dehors de la réalité.
Avec certes beaucoup de longueurs et de redites (les deux heures dix auraient mérité un bon nettoyage d'une 20aine de minutes), Kurosawa parvient nous embarquer dans son univers rugueux et désenchanté. La scène d'ouverture donne le ton : l'excès de confiance ne mène à rien. Voilà le spectateur prévenu et l'ambiance du film posée.
On sort de la salle lessivé par la tension, insufflée insidieusement par le réalisateur dans la moelle épinière de chacun de ses plans. C'est là d'ailleurs son principal talent car lorsque le dénouement du film approche il ne parvient pas à apporter une conclusion à la hauteur de ce qu'il a amorcé pendant toute la durée du film. Malgré tout, Creepy est un modèle de tension et de maîtrise, un film avec lequel Kurosawa confirme son talent de Maître des marionnettes que sont les spectateurs !
★★★☆☆
Creepy, Kiyoshi Kurosawa (sortie le 14 juin 2017)
Avec Yuko Takeuchi, Masahiro Toda, Naoko Satô - Japon - 2h10
Synopsis
Un ex-détective devenu professeur en criminologie s’installe avec son
épouse dans un nouveau quartier, à la recherche d’une vie tranquille.
Alors qu’on lui demande de participer à une enquête à propos de
disparitions, sa femme fait la connaissance de leurs étranges voisins.
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