Brimstone, Martin Koolhoven (2016)

Voici un bel exemple de gâchis d'un film au potentiel énorme, par un scénario dont on ne saisit pas bien où il veut en venir à cause d'un manque assez évident de parti pris. Brimstone laissera le spectateur cruellement sur sa faim malgré les 2h25 de film, et en particulier s'il est venu sans savoir à quoi s'attendre. Déception.

Koolhoven, réalisateur danois dont la réputation est encore vierge, se lance dans une fresque épique avec un western pour une fois tourné vers les femmes et qui semble vouloir dénoncer la violence dont elles ont été victimes durant des siècles. Enfin un western féministe ? Pas vraiment.

On suit une héroïne mystérieuse et muette, Liz, aux prises avec un pasteur à moitié dérangé qui la pourchasse depuis des années en semant la mort autour de lui. Passée l'introduction, la narration est éclatée et se décompose en chapitres qui prennent la vie de Liz à rebours. On découvre petit à petit et malheureusement sans grande surprise, les origines de ce jeu sanglant du chat et de la souris.

Le gros problème de Brimstone tient dans son scénario. En effet la mise en scène est plutôt sobre et soignée, la photo absolument magnifique et les décors splendides. Et puis Dakota Fanning incarne son personnage avec force et retenue, une parfaite combinaison pour cette héroïne dont la détermination crève l'écran. Les images et le rythme sont parfaitement maîtrisés et les 2h25 passeront sans aucun ennui ni décrochage de la part du spectateur.

En revanche on est assez loin du compte en termes de cohérence.
D'une part on s'attend sans cesse à quelque chose de plus que ce qui nous est présenté et les révélations sont éventées largement avant d'être montrées à l'écran. Ainsi l'apparition du Pasteur en début de film, la terreur que cela provoque chez l'héroïne et la violence de son irruption dans la vie de Liz, laissent présager d'un passé particulièrement monstrueux entre les deux personnages. Or lorsque le 2e chapitre montre ce passé, il n'est qu'un élément, certes traumatisant, mais noyé au milieu d'autres violences bien plus terribles finalement. Et quand on réalise ce que l'héroïne est prête à faire pour fuir cet homme et qu'on comprend leur relation, on s'imagine alors que l'épisode suivant, qui remonte plus loin dans le temps, va apporter des réponses. Mais ce que l'on découvre est d'une banalité étonnante. Atroce certes, mais banal : on l'a vu en arrière-plan de beaucoup de westerns, de beaucoup de films, la différence est juste que cette fois c'est montré, au premier plan, du point de vue d'une femme, et que c'est un sujet. En cela au moins, le film fait date et restera l'un des premiers films qui vise à dénoncer une réalité largement occultée auparavant.

Mais d'autre part, malheureusement à mi-chemin on a l'impression que le réalisateur -ou le scénariste- n'assume plus très bien son parti pris et petit à petit retourne son film avec un personnage qui loin d'être un homme normal, symbole de son époque et de la doctrine qu'il représente, est en réalité un type complètement cinglé, dévoré par sa toute-puissance, qui va jusqu'à lâcher un "Dieu ou moi c'est la même chose" (citation approximative) tout en tuant un homme.

Ainsi en fin de compte, on a d'un côté un film qui veut dénoncer quelque chose, quelque chose de banal (dans le sens fréquent), commis par un très grand nombre d'hommes, des hommes normaux qui sont soit convaincus de ne rien faire de mal soit persuadés qu'il en ont parfaitement le droit et que la société, surtout celle de l'époque, laissait faire.
Par la construction du film, on laisse entendre que c'est la pire chose qui puisse arriver à l'héroïne du film, qui la traumatise au point que toutes les autres violences (bien plus nombreuses et probablement bien plus rudes) qu'elle subira par la suite lui donneront l'impression "d'être libre". Et d'un autre côté, l'homme responsable de ce traumatisme est clairement présenté comme un homme dérangé, obsédé, dont les actes ne sont pas dictés par la doctrine qu'il enseigne mais par l'obsession qu'il a développée pour cette femme.

Martin Koolhoven parvient donc dans un même film à dénoncer la violence imposée aux femmes dans une société patriarcale, tout en dédouanant finalement celui qui les perpétue en le présentant comme un homme à part, différent des autres et mû par une obsession maladive.

Ce mélange des genres, dessert le film car les deux aspects s'annulent l'un l'autre et rendent le film à la fois insoutenable et par moment presque jubilatoire pour les amateurs de gore. Il aurait fallu choisir entre le thriller, le film de course-poursuite où on en veut toujours plus, et dans ce cas aller plus loin dans la perversion de cet homme. Et le film engagé, dans lequel il ne fallait pas chercher à faire dans le sensationnel car la réalité n'en a guère besoin, mais simplement montrer sous un angle nouveau et peu utilisé, une période largement représentée au cinéma sous un angle bon enfant et empreint de nostalgie bien loin de refléter la réalité.

Bref, malgré ses qualités évidentes, Brimstone est un film raté, qui déçoit d'autant plus qu'il avait tout pour ne pas l'être !

★★☆☆

Brimstone, de Martin Koolhoven (sortie le 22 mars 2017)
Avec Dakota Fanning, Guy Pearce, Kit Harington, Emilia Jones - Danemark - 2h25

Synopsis
Dans l’Ouest américain, à la fin du XIX siècle.
Liz, une jeune femme d’une vingtaine d’années, mène une vie paisible auprès de sa famille.
Mais sa vie va basculer le jour où un sinistre prêcheur leur rend visite.
Liz devra prendre la fuite face à cet homme qui la traque sans répit depuis l’enfance…

Une cinéphile

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