La Vie d'Adèle, Abdellatif Kechiche (2013)


La Vie d'Adèle, c'est le parcours initiatique de son héroïne, sa découverte de la sexualité, de l'amour et de la vie, tout cela vu par le prisme de sa rencontre avec Emma (Lea Seydoux). On a beaucoup parlé de l'aspect du film qui touche à l'homosexualité et effectivement le film en montre beaucoup de ce côté-là. Mais ce n'est pas du tout ce qui importe. Il se trouve qu'Adèle tombe amoureuse d'Emma, mais le film aurait pu être le même si elle était tombée amoureuse de Thomas. Du moins je pense. L'intérêt (ou le non-intérêt) réside dans la façon dont Kechiche traite son sujet et surtout ses personnages.

Littéralement fasciné par Adèle, il la filme presque exclusivement en plan rapproché. Plans rapprochés sur sa bouche perpétuellement entrouverte, plus précisément. Adèle c'est l'innocence, la muse, la jeunesse pas encore modelée et qu'on peut façonner à son aise. Sa rencontre avec Emma, plus âgée, plus expérimentée dans sa vie et dans son parcours sexuel, est un peu celle de Pygmalion et Galatee. Mais peu à peu (le film s'étale sur une 10aine d'années) la réalité de leurs personnalités distinctes refait surface, avec une violence des sentiments.

L'impression qui domine lors de la vision du film c'est que Kechiche (dont je ne suis pas familière) s'est attaché à montrer une histoire banale d'une façon très forte. Son but semble d'avoir été de faire ressortir à l'écran toute l'intensité qui peut se dégager d'une passion amoureuse dévorante/destructrice, en insistant sur l'interprétation des personnages. Les scènes que l'on voit à l'écran, dans lesquelles les actrices poussent très clairement leurs émotions à bout (et on le conçoit, pas toujours bien loin du traumatisme) sont d'une banalité totale. Kechiche traite avec fracas, larmes et morve, l'histoire d'amour la plus banale qui soit. Celle que tout le monde traine dans son bagage, peu ou prou, qu'il ait incarné l'un ou l'autre des personnages. Rien de tragique ni de dramatique ne justifie les états dans lesquels il met ses actrices, dont on voit bien qu'elles ne sont plus du tout dans le "faire semblant". Et c'est bien cela qui me pose problème.
Dès lors que Kechiche semble avoir eu pour objectif de fixer sur sa caméra des états émotionnels intenses et non pas de raconter une histoire, d'artiste il passe à pervers qui prend l'art comme prétexte. Et c'est cette impression qui m'a marquée tout au long du film et me l'a rendu si déplaisant, si malsain.
Je n'ai pas vu ses autres films et ne sais donc pas à quel point c'est un schéma qu'il reproduit, mais ce qui est sorti dans la presse concernant les conditions de tournage semble aller en ce sens.

Je n'avais pas d'a priori avant de voir le film, tout du moins j'étais plutôt enthousiaste à l'idée de voir une approche un peu différente et saine d'une relation amoureuse entre deux femmes. J'avais bien tort. Et ce ne sont pas les (nombreuses. trop) scènes de sexe très intenses et qui semblent malgré tout assez caricaturales, qui diront autre chose...

Bref, un film émotionnellement puissant. Qui ne raconte rien mais m'a mise cruellement mal à l'aise et donné le sentiment d'avoir été manipulée.

★☆☆☆☆

La Vie d'adèle - Chapitres 1 et 2, Abdellatif Kechiche (sortie le 9 octobre 2013)
Avec Lea Seydoux, Adèle Exarchopoulos, Salim Kechiouche - France - 2h57
Palme d'or Cannes 2013

Synopsis
À 15 ans, Adèle ne se pose pas de question : une fille, ça sort avec des garçons. Sa vie bascule le jour où elle rencontre Emma, une jeune femme aux cheveux bleus, qui lui fait découvrir le désir et lui permettra de s’affirmer en tant que femme et adulte. Face au regard des autres Adèle grandit, se cherche, se perd, se trouve...

Une cinéphile

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