Des petits bouts d'éternité

Steven Russel a toujours fait ce qu'on attendait de lui. Mari dévoué, bon père et flic consciencieux, la vie semble lui sourire. Pourtant Steven n'est pas exactement celui qu'il aime à le faire croire. Un jour il décide d'assumer ce qu'il est et de vivre tel qu'il l'entend. A savoir avec des hommes. Et entouré d'argent. Entre arnaques et séjours en prison, il tombe amoureux de Philip Morris et fera tout pour rester auprès de son grand amour. Tout. C'est bien là le problème...

Contrairement à ce que l'affiche fluo et le casting laissent entendre, I Love You Philip Morris n'est pas une comédie gay. Enfin pas tout à fait. Car steven aurait tout aussi bien pu être hétéro, l'histoire aurait été la même puisque le thème de ce film rose bonbon, pétillant et légèrement acide, c'est bel et bien l'amour.

Tout au long de sa vie, les actes de Steven ont été guidés par ce besoin d'amour, un manque sans doute lié au rejet de sa mère biologique et à son adoption. Il essaie alors, maladroitement et plutôt illégalement, de satisfaire ceux qu'il aime. En les comblant de cadeaux ou en faisant en sorte de les rendre fiers. 

Evidemment c'est drôle, tant ce personnage (incroyablement inspiré d'une histoire vraie !) accumule les bourdes et les arnaques aussi grosses que lui. Jim Carrey est vraiment excellent dans ce rôle, il parvient à rendre attachant et drôle cet arnaqueur au grand coeur, sans jamais en faire trop ni le rendre ridicule. Le duo qu'il forme avec Ewan McGregor, assez inattendu dans ce registre d'ailleurs, est vraiment convainquant. Tout en retenue et en timidité, sans pour autant se faire éclipser par Jim Carrey, il est la jolie surprise de ce film.

Alors certes ça reste caricatural, il faut bien faire rire, mais cette aventure sentimentale romanesque est plutôt séduisante, et ses rebondissements en surprendront plus d'un.

★★☆☆☆

I Love You Phillip Morris, de Glenn Ficara et John Requa (Sortie 10 février 2010)
Avec Jim Carrey, Ewan McGregor - USA - 1h36

En bref :

Susie est une adolescente pleine de vie. Tout du moins jusqu’au jour où elle croise la route d’un voisin psychopathe. Assassinée dans un champ de maïs, Susie va rester là, entre deux mondes, à observer sa famille, son assassin et l’évolution de l’enquête.

Ça ressemble à un retour aux sources pour Peter Jackson : après quelques films de grande ampleur, le voici qui revient à un format plus confidentiel et se consacre à nouveau à la mort, au deuil et surtout à l’adolescence et la famille. Forcément, on pense à Heavenly Creatures, qui semblait traiter des mêmes thèmes. Mais la comparaison s’arrête là.

Lovely Bones est un joli film sur le deuil, cet impossible lâcher-prise qui fait que l’on reste lié à nos proches même après leur mort. Ce lien est ici signifié par l’entre-deux où évolue Susie après son meurtre. Ni paradis, ni véritablement notre monde, le lien qui les unit est ténu. Elle ne peut communiquer avec les vivants et ne perçoit pas tout ce qui s’y passe. Pourtant, elle refuse de partir, tourmentée par la colère de l’injustice de sa mort. Son assassin la hante et elle cherche vengeance. Petit à petit elle comprendra pourtant qu’elle n’a aucun pouvoir pour obtenir satisfaction. Cette impuissance, face à la mort aussi bien que face à la vie, est ce qui différencie radicalement ce film d’un film de fantômes. D’un thriller également.
Car comme Suzie, ses proches sont impuissants à orienter l’enquête. Son père, Mark Walhberg, tout en émotion, tente bien d’influencer la police, mais en vain. Lovely Bones est ainsi un film surprenant qui n’est nulle part où on l’attend. Petit ovni sur le deuil et la famille, on comprend finalement que Suzie accepte de partir et rejoindre les morts, non pas quand elle aura obtenu justice, mais quand le deuil de ses proches aura pu suivre son cheminement, et qu’en parallèle elle aura fait le deuil de sa vie. La fin est en ce sens une formidable réussite, même si, certes, quelque peu téléphonée.

Ce qui sépare toutefois ce film d’un véritable chef d’œuvre, ce sont sans doute les images qui tournent en boucle, certaines répétitions dans la forme qui deviennent rapidement agaçantes. Les représentations de l’entre-deux dans lequel évolue Susie sont également assez déroutantes. A la fois plutôt jolies et terriblement décevantes, c’est une sorte de mélange même pas psychédélique de délire très 70’s et de symboles sans grand intérêt. C’est dommage car cela occupe tout de même une bonne partie du film.

Lovely Bones, de Peter Jackson (Sortie le 10 février 2010)
Avec Mark Wahlberg, Saoirse Ronan - USA - 2h08

En bref :

Ryan Bingham vit littéralement dans les airs. En déplacement professionnel permanent, son travail consiste à se rendre dans des entreprises, à la demande de celles-ci, afin d’en licencier un collaborateur. Particulièrement fier de n’avoir aucune attache, il s’épanouit dans son mode de vie entre avion et hôtels, et revendique de parvenir à faire tenir toute sa vie dans un sac à dos. Son objectif dans la vie ? Réussir à collecter le chiffre mythique d’un million de « Miles »…
Une autre âme esseulée parviendra-t-elle un jour à le ramener sur terre ?

In The Air est un film un peu vain qui peine à trouver son style. Après Juno on attendait Jason Reitman au tournant, espérant un autre petit bijou de légèreté décalée.
Il n’en sera rien, ce qui avec un titre pareil est tout de même assez décevant…

En abordant un thème aussi cynique que le licenciement à la chaine dans une comédie, on s’attendait à quelques éclats, tout du moins à autre chose que finalement cette bluette faussement sentimentale, surtout lorsqu'on pense à Thank You For Smoking, monument de cynisme du même réalisateur...

Car cela commence comme une satire, un pamphlet contre ces compagnies si déshumanisées qu’elles font appel à un prestataire extérieur pour licencier leur personnel. Façon « mais dans quel monde vit-on ??? » ; le personnage de Ryan étant l’incarnation du type de Freak que peut produire notre société. Très bien, va pour l’ironie : on regarde ce personnage nous donner des leçons de détachement, et on en rit.
L’ennui c’est que cette ironie va se transformer doucement ; d’abord en moquerie du premier degré, puis en légère pitié (Ryan dans son pathétique appartement vide, qui ne se rend même pas compte qu’il passe à côté de sa vie). Et enfin on commence à sentir émerger la bonne petite comédie sentimentale avec sa morale de guimauve à la fin (le mariage c’est quand même le pied intégral… Ben voyons…). On sent que Ryan va ouvrir les yeux, alors qu’il n’aurait jamais dû, car c’est alors un tout autre genre de film.

Une guimauve, ça peut être chouette aussi : prenez La Proposition et l’évolution du personnage de Sandra Bullock. Elle correspond à peu près à celle de Ryan et cela fonctionne très bien. Mais ici, ça ne prend pas. Faudrait-il y voir la difficulté de jongler avec un personnage masculin dans ce rôle ? Probablement pas, cherchons plutôt du côté de ce manque de cohérence, qui fait allègrement passer In The Air d’un genre à l’autre, sans qu’on parvienne réellement à saisir où Reitman veut en venir.

C’est dommage car le pamphlet avait bien commencé, et la bluette avait bien fini, et au milieu de pas mal de scènes convenues et inutiles (la crise de nerfs dans le hall d’hôtel ???), il y a bien quelques petites pépites et répliques bien servies. Sans compter que Georges Clooney excelle dans ce genre d’exercice et qu’il contribue largement à ne pas faire de ce film un loupé complet. 

★☆☆☆☆

In The Air de Jason Reitman (sortie le 27 Janvier 2010)
avec George Clooney, Anna Kendrick, Jason Bateman,... - USA - 1h50

En bref :