Des petits bouts d'éternité

Chacun y va de sa rétrospective en ce début d'année et le réseau UGC diffusera à partir de demain sa petite sélection des films qui ont marqué 2018. La sélection est éclectique et vaut le coup d'oeil pour la plupart des films proposés. Pour 3,5€ c'est un bon plan.

- J'en parle tout simplement parce qu'il y a un UGC à côté de chez moi et que du coup ce sont les films que j'aurai à ma disposition -

Je les ai quasiment tous vus, mais je suis assez contente d'avoir l'occasion de rattraper Barbara, Le Redoutable, et peut-être Ôtez-moi d'un doute ?

Comme chaque année, le festival Télérama revient sur certains des meilleurs films de l'année écoulée. C'est l'occasion de voir ou revoir les films marquants de l'année après avoir lu les différents "Tops" de chacun. 

Pour ma part je vais essayer de rattraper La Villa, Un Homme Intègre, Barbara et peut-être Visages Villages si j'ai le temps. Et vous ?

On n'a pas l'habitude de voir au cinéma des film aussi cruels que ce Faute d'Amour, et c'est bien ça qui fait sa force. Car tout est ici dans la simplicité, l'évidence, la normalité. Tout en apparence reflète une vie commune et banale telle qu'on la partage probablement d'un bout à l'autre du continent européen. Une famille, un appartement douillet, un enfant... et un divorce.

Sauf que sous ces apparence, un vide. Abyssal. Douloureux. Révélé par la scène la plus poignante et la plus magistrale du film, celle de cet enfant planqué derrière une porte à l'insu de ses parents et qui entend des mots tranchants, qui ne lui sont pas destinés. On découvre alors avec l'enfant l'ampleur de ce vide, cette absence d'amour, dans toute la cruauté dont peuvent faire preuve des couples qui se déchirent.

Le film heurte par la simplicité qu'il dégage. Sa façon de présenter ces personnages qui errent seuls les uns à côté des autres sans aucun lien pour les unir, comme expression parfaitement banale d'une société dans laquelle on se reconnaît tous, nous montre des gens normaux, comme nous.

Est-ce alors un miroir que Zvyagintsev nous tend ? Ou une mise en garde plutôt ?

Une fois l'inconfort établi, une fois l'attention du spectateur captée, impossible de détacher ses yeux de l'écran et Zvyagintsev enfonce son clou. Dans une mise en scène aussi froide que son sujet, il nous invite à contempler ce qui nous attend, dans un monde centré sur soi et dépourvu de ce qui fait de nous des humain : notre humanité.

Glaçant jusqu'à la dernière seconde, Faute d'amour est un vrai électrochoc qui pousse à l'introspection et nous rappelle que rester humain n'est pas un acquis : c'est à nous qu'il revient de lutter contre ce rejet de l'autre qui caractérise le manque d'empathie...

★★★★☆

Faute d'Amour (Nelyubov), Andrey Zvyagintsev (sortie le 20 septembre 2017)

Avec Maryana Spivak, Alexey Rozin, Matvey Novikov - Russie - 2h08

Synopsis

Boris et Genia sont en train de divorcer. Ils se disputent sans cesse et enchaînent les visites de leur appartement en vue de le vendre. Ils préparent déjà leur avenir respectif : Boris est en couple avec une jeune femme enceinte et Genia fréquente un homme aisé qui semble prêt à l’épouser... Aucun des deux ne semble avoir d'intérêt pour Aliocha, leur fils de 12 ans. Jusqu'à ce qu'il disparaisse.

Dans un futur pas si lointain, la surpopulation a atteint de telles proportions qu'il faut réguler le nombre de naissances et qu'une politique stricte d'enfant unique est mise en place. Dans ce contexte pas tout à fait à leur avantage, naissent 7 Noomi Rapace, élevées dans la plus grande clandestinité par leur grand-père, qui parvient à les cacher en faisant croire qu'elles ne sont qu'une seule personne.

En gros, sur la papier le sujet était franchement passionnant. Super original, plein de potentiel : servi par un bon scénario et une actrice à la hauteur (7 rôles différents ce n'est pas rien), ça pouvait donner un truc plus qu'emballant ! Malheureusement, la présence de Tommy Wirkola (Dead Snow, Hansel et Gretel) à la réalisation incitait à ne pas trop s'attendre à des miracles...

Et pour cause, le film passe complètement à côté de son sujet ! Le contexte n'est jamais exploité ; pire il est tourné en dérision et se cantonne à servir de prétexte à une bande de méchants plus ridicules les uns que les autres. On se demande franchement à qui Glenn Close devait une faveur pour accepter un rôle aussi nase...

En fin de compte, on s’aperçoit rapidement qu'on n'est pas du tout devant un film d'anticipation, mais devant un bête whodunit de seconde zone, inspiration "Dix petits nègres" mais bourré d'effets de manche grossiers et de faux suspense.

On ne croit pas une seconde aux postulats qu'on nous présente et encore moins aux personnages. Parce que Noomi Rapace a beau faire ce qu'elle peut avec ces 7 soeurs dont la description devait tenir en une ligne (ou plus probablement en une tenue vestimentaire...) pour faire vivre des personnages si caricaturaux et mal écrits que leurs motivations n'ont strictement aucun sens et leurs réactions tombent toujours à côté de la plaque. C'est tellement ridicule que ça aurait pu être drôle.

Sauf que malheureusement, Wirkola a décidé de se prendre gravement au sérieux. Et là où son film aurait pu à peu près passer s'il s'était présenté au second degré comme une caricature, il reste ridiculement arc-bouté sur son intrigue et ses personnages comme s'ils tenaient la route.

La déception est cuisante !

★☆☆☆☆

Seven Sisters, Tommy Wirkola (sortie le 30 août 2017)

Avec Noomi Rapace, Glenn Close, Willem Dafoe, Marwan Kenzari - USA - 2h04

Synopsis (Int -12ans)

2073. La Terre est surpeuplée. Le gouvernement décide d’instaurer une politique d’enfant unique, appliquée de main de fer par le Bureau d’Allocation des Naissances, sous l’égide de Nicolette Cayman. Confronté à la naissance de septuplées, Terrence Settman décide de garder secrète l’existence de ses 7 petites-filles. Confinées dans leur appartement, prénommées d’un jour de la semaine, elles devront chacune leur tour partager une identité unique à l’extérieur, simulant l’existence d’une seule personne : Karen Settman. Si le secret demeure intact des années durant, tout s’effondre le jour où Lundi disparait mystérieusement…

 

Il y avait tant à dire et à la fois si peu, sur Jackie Kennedy, qu'on était un peu dubitatif devant le projet de Pablo Larrain. Qu'allait-il bien pouvoir raconter qu'on ne savait déjà ? Ou qu'on ignorait toujours ?

Assez éloigné du format classique de la biographie, puisque le récit du film se concentre sur les quelques jours entre la mort de John Kennedy et son enterrement en grandes pompes. Pendant ces quelques jours, on suit la première dame la plus fascinante de l'histoire des Etats-Unis, alors qu'elle se bat pour transformer son défunt mari en légende.

Natalie Portman est extraordinaire dans ce rôle, qu'elle interprète si parfaitement qu'on l'oublie rapidement pour ne plus voir que Jackie. Impossible d'imaginer meilleure actrice pour endosser ce rôle, qu'elle parvient à sublimer dans donner l'impression de faire de la caricature.

De l'autre côté de la caméra, Larrain offre des cadres millimétrés et parfaitement cohérents. La maîtrise est absolue et vient illustrer le propos du film sur la façon dont Jackie Kennedy a, en prenant le devant, contrôlé chaque aspect de sa communication et de son image.

En résulte un film glaçant mais époustouflant de grâce, qui reste imprégné sur les rétines bien après la sortie de la salle. Un film qui dépasse son sujet pour devenir un objet en soi, un classique absolu qui appelle les revisionnages.

★★★★☆

Jackie, Pablo Larrain (sortie le 1er février 2017)

Avec Natalie Portman, Peter Sarsgaard, Greta Gerwig, Billy Crudup, John Hurt - USA - 1h40

Synopsis

22 Novembre 1963 : John F. Kennedy, 35ème président des États-Unis, vient d’être assassiné à Dallas. Confrontée à la violence de son deuil, sa veuve, Jacqueline Bouvier Kennedy, First Lady admirée pour son élégance et sa culture, tente d’en surmonter le traumatisme, décidée à mettre en lumière l’héritage politique du président et à célébrer l’homme qu’il fut.

On pensait aller voir une sorte de Biopic collectif sur les militants d'Act Up dans les années 90 et leur rôle dans l'avancée des recherches médicales sur le sida, et on était déjà bien content qu'un tel film puisse exister, enfin. Et comme par magie, on se retrouve devant l'un des films les plus emplis d'émotion de ces dernières années, tant il transpire de cette passion ravageuse des combats dans lesquels on sait que l'on joue sa vie.

120 battements par minute est bien plus qu'un film social ou historique, c'est une vraie claque émotionnelle qui bouscule le spectateur pendant près de 2h30 ! Le talent de Campillo, c'est de ne pas s'éparpiller et surtout, de montrer tous les combats de ses personnages : leur combat au sein de l'association bien sûr mais aussi les luttes internes, les désaccords qui illustrent la façon dont les actions se sont construites et puis surtout les combats personnels de chacun des personnages. Contre la maladie, pour l'amour, pour la vie.

Car si le film est si fort, cela tient notamment à la proximité des personnages : les cadres sont serrés, on s'attache, on a l'impression de les connaître depuis toujours tant ils sont vrais.

Et finalement, même si le combat qui s'est mené à cette époque mérite d'être montré au grand jour tant il avait été mal médiatisé à l'époque, le film dépasse largement le cadre militant pour dresser un portrait sublime et rendre enfin justice à ces acteurs de l'ombre si marginalisés à l'époque, dans une fresque magnifique, pleine d'amour et de couleurs.

Assurément l'un des meilleurs films de l'année !

★★★★☆

Cette année, des bons films plus nombreux et un duo de tête quasi ex aequo qui sort nettement du lot.

Suivent une 20aine de films coups de coeur, chacun à sa manière et dans des registres assez différents : polars bien corsés (Le Caire confidentiel, l'Homme aux Mille Visages, Que Dios Nos Perdone...), rranches de vie de marginaux attachants (Patti Cake$, American Honey, Florida Project), films de genre (Get out, Last Girl, It Comes at Night, Dave Made a Maze) Blockbusters canons (Star Wars, Planète des singes, Blade Runner) ou encore films sociétaux, d'ici ou d'ailleurs (Après la tempête, I'm Not a Witch, Western, Faute d'amour)... une année ciné bien riche !