Des petits bouts d'éternité

Les films de classe, c'est souvent un peu casse-gueule, même s'il en ressort la plupart du temps une réflexion très intéressante. L'Ennemi de la classe n'échappe pas à la règle et ne parvient jamais vraiment à trouver son équilibre entre pédagogie et intensité dramatique.

Ici, comme dans La Vague, il est question de l'influence des masses et de l’auto-manipulation au sein d'un groupe. Mais le parallèle s'arrête là, car on se concentre chez Bicek sur la naissance et l'impact d'une rumeur tout autant que sur la force centrifuge d'un groupe, à laquelle les éléments en périphérie ont bien du mal à échapper.

Un prof austère qui débarque dans un environnement déjà constitué, un suicide, des "on-dit",... et l'adolescence fera le reste...

La réflexion est intéressante et le sujet empreint d'une force que Rok Bicek ne parvient malheureusement pas à restituer. On reste dans le recul sage et démonstratif au lieu d'aller vers la fougue parfois dévastatrice de l'adolescence. On aurait aimé aller jusqu'au point de rupture (c'est un film que diable, osons !) et en expérimenter les ravages plutôt que se contenter d'un didactisme bien fade.

Le film, de bonne facture et bien interprété, constituera sans aucun doute un point de départ intéressant à un débat de classe ou familial.

★★☆☆☆

L'Ennemi de la classe, Rok Bicek (sortie le 4 mars 2015)

Avec Igor Samobor, Natasa Barbara Gracner, Tjasa Zeleznik - Slovénie - 1h52

Synopsis

À l’arrivée de leur professeur principal remplaçant, une classe de sympathiques lycéens se trouve confrontée à une discipline accrue et à un enseignement plus austère. Ce professeur d’allemand concentre vite toutes les critiques. Les élèves mènent ouvertement la fronde. La tension monte, et quand une jeune fille de la classe se suicide, la responsabilité du professeur parait indiscutable aux yeux de ses camarades. L’escalade des provocations ne fait alors que commencer, laissant les autres enseignants dépassés par les événements et les élèves face à toutes leurs violentes contradictions.

Quel surprenant mélange des genres que voilà ! On n'attendait pas Marjane Satrapi dans un registre gore et pourtant, cette comédie horrifique pop lui va comme un gant !

Thriller macabre coloré, The Voices est surtout une vision très décalée de la maladie mentale. Si elle reste certes très en surface et ne s'aventure jamais bien loin dans l'analyse, Satrapi propose néanmoins, avec un humour noir très justement dosé, une plongée entre moi et surmoi dans l'inconscient malade d'un apprenti tueur en série romantique...

Romance gore et hilarante ou thriller dramatique et noir ? On navigue en permanence entre les genres, entre le rose flashy du milieu professionnel de Jerry et le noir glauque de son appartement.

Ryan Reynolds d'ailleurs est vraiment fabuleux. Bien loin de l'image fade qu'il avait pu afficher jusque là, il incarne à merveille le bellâtre bas de plafond dans un rôle complètement déjanté. C'est lui également qui interprète les voix de son subconscient, incarnées par Bosco le chien débonnaire et Mr Whiskers, chat dont le savoureux accent écossais tranche avec le cynisme froid qu'il affiche.

A la fois drôle et tragique, The Voices est délicieusement déroutant. Une surprise bienvenue dans un paysage ciné souvent très formaté, y compris du côté des films de genre. Marjane Satrapi s'amuse avec son matériau, ça se sent et c'est communicatif !

A découvrir en vost absolument !

★★★★☆

The Voices, Marjane Satrapi (sortie le 11 mars 2015)

Avec Ryan Reynolds, Anna Kendricks, Gemma Arterton - USA - 1h59

Synopsis (Avertissement - 12 ans)

Jerry vit à Milton, petite ville américaine bien tranquille où il travaille dans une usine de baignoires. Célibataire, il n’est pas solitaire pour autant dans la mesure où il s’entend très bien avec son chat, M. Moustache, et son chien, Bosco. Jerry voit régulièrement sa psy, aussi charmante que compréhensive, à qui il révèle un jour qu’il apprécie de plus en plus Fiona - la délicieuse Anglaise qui travaille à la comptabilité de l’usine. Bref, tout se passe bien dans sa vie plutôt ordinaire - du moins tant qu’il n’oublie pas de prendre ses médicaments...

Je suis allée voir Selma, sans trop le faire exprès, un jour d'élection.
Un timing ma foi plutôt approprié pour garder en mémoire, en ces jours où près de la moitié de la population s'abstient, la lutte qu'a constitué et constitue encore pour beaucoup l'accès à la liberté essentielle qu'est le droit de vote.

Au-delà de la journée thématique que le film permet en ce moment, Selma est avant tout un film historique précis et dense. Assez étonnamment c'est aussi le premier biopic sur Martin Luther King, ce qui fait de ce focus sur une seule de ses batailles (l'accès au droit de vote pour les noirs des états du sud) un parti-pris plutôt surprenant.

Si cet angle balaie tout un pan de la vie et de la personnalité du pasteur, il permet néanmoins de se concentrer sur un aspect historique précis, d'en développer les enjeux et disséquer les stratégies qui l'entourent.

En cela, Selma est un film habile et passionnant, sur la méthode non-violente des activistes de la SCLC et les limites qu'elle pose. Les stratégies politiques et intérêts personnels de chaque protagoniste sont analysés avec justesse et posent une vision d'ensemble éclairante, qui fera probablement le bonheur des profs d'histoire pour illustrer leurs cours.

Du côté cinématographique par contre, on regrettera un aspect un peu trop académique souvent proche de la dissertation filmée. Malgré des acteurs, David Oyelowo en tête, vraiment excellents (à l'exception de Tim Roth qui Marion-Cotillarde avec son imitation presque ridicule de l'accent du sud), Selma manque de ce feu qui animait les manifestants et souffre d'une trop grande rigueur. Souvent bavard, le film n'échappe pas au formalisme un peu surfait qui entoure les scènes d'émotion.

Selma reste néanmoins une indispensable piqûre de rappel. Mis en scène par une réalisatrice débutante, l'une des seules femmes noires derrière la caméra qui plus est, on ne peut que se réjouir de son existence et encourager la réalisatrice à poursuivre sa carrière en allant voir le film !

★★☆☆☆

Selma, Ava Duvernay (sortie le 11 mars 2015)

Avec David Ayelowo, Tom Wilkinson, Carmen Ejogo, Lorraine Toussaint, Cuba Gooding Jr, Oprah Winfrey - USA - 2h08

Synopsis

Selma retrace la lutte historique du Dr Martin Luther King pour garantir le droit de vote à tous les citoyens. Une dangereuse et terrifiante campagne qui s’est achevée par une longue marche, depuis la ville de Selma jusqu’à celle de Montgomery, en Alabama, et qui a conduit le président Jonhson à signer la loi sur le droit de vote en 1965.

Après le déjà très réussi Barbara, Christian Petzold revient sur les écrans avec un film à nouveau hanté par le spectre de la guerre et la déportation.

Nelly, survivante des camps, revient à Berlin défigurée avec la seule idée en tête de retrouver son mari Johannes. Que ce dernier ait pu la trahir et être à l'origine de sa déportation ou qu'il ait demandé le divorce alors qu'elle était dans un camp ne semble pas la faire changer d'avis.

Persuadé que Nelly est morte, Johannes ne la reconnait pas lorsqu'il la voit, le visage reconstruit par la chirurgie esthétique, mais il espère exploiter à ses fins la forte ressemblance qu'il décèle néanmoins. Débute alors une relation ambiguë entre le couple : lui, tentant de faire incarner à l'inconnue qu'il pense avoir rencontrée, la femme qu'elle est en réalité.

Elle, de son côté, utilisera cette phase de redécouverte mutuelle pour tenter de combler les trous de son histoire et apprendre ce qu'il s'est passé en son absence, avec l'espoir de reconquérir sa vie détruite. Elle prendra alors la mesure du fossé qui s'est creusé entre la femme qu'elle était et celle qu'elle est aujourd'hui.

Avec l'interprétation magnifique d'une Nina Hoss à couper le souffle, Phoenix évoque la résilience d'une femme qui doit apprendre à renouer avec la vie, mais aussi le contexte souvent passé sous silence de l'Allemagne dans l'immédiate après-guerre. L'indifférence du peuple face aux épreuves subies par les rescapés des camps, l'aveuglement volontaire de la population sont rarement évoqués, pas plus que le difficile retour à la vie de ceux qui ont survécu, dans un pays qui a voulu, de toutes ses forces, les exterminer.

Christian Petzold et ses fantômes met ici une fois de plus en lumière, de façon magnifique et sans jugement hâtif, les moments les plus douloureux de l'histoire de son pays. Avec Phoenix, dont le thème n'est pas sans rappeler par certains aspects le Vertigo d'Hitchcock, il parvient, sous la forme d'un thriller amoureux, à illustrer une spectaculaire et bouleversante renaissance. La scène de fin est un véritable chef d'oeuvre et figurera à n'en pas douter dans les meilleures scènes de 2015 !

♥♥♥♥

Phoenix, Christian Petzold (sortie le 28 janvier 2015)

Avec Nina Hoss, Ronald Zehrfeld, Nina Kunzendorf - Allemagne - 1h38

Synopsis

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, Nelly, une survivante de l'Holocauste revient chez elle sous une nouvelle identité. Elle découvre que son mari l'a trahie...

Avec ce thriller un peu mou, Vincent Garenq revient sur l'affaire Clearstream et ses ramifications (les frégates, EADS, les faux comptes et le scandale politique) et il faut bien admettre qu'il parvient à démêler les fils de cette enquête complexe de manière plutôt claire. Pour qui avait suivi tout ça sans trop y comprendre grand chose, le film de Garenq constituera une bonne synthèse.

Lellouche, que d'ordinaire ne n'affectionne pas beaucoup, est ici étonnamment sobre, ce qui lui va très bien. Il colle parfaitement à l'image que l'on se fait du personnage de Denis Robert. Les rôles secondaires et le toujours parfait Charles Berling en tête, tirent tous leur épingle du jeu et rendent une copie bien propre.

Et c'est malheureusement l'impression qui se dégage du film, celle de lire une dissertation, une note de synthèse précise et bien réalisée mais sans fantaisie ni originalité. Alors certes le sujet ne se prête sans doute pas à une trop grande excentricité, mais une forme un peu plus particulière, une réalisation peut-être un peu plus dynamique ou un parti-pris visuel ou narratif un peu plus radical aurait sans doute rendu l'ensemble plus palpitant.

Car on ne vibre que peu aux côtés du journaliste, malgré le côté rocambolesque de son incroyable enquête. C'est l'esprit affligé par tant de corruption plutôt qu’assoiffé de vengeance que l'on quitte la salle.

Un thriller de moyenne facture, très réussi pour son côté synthétique, qui sera très adapté pour une soirée TV du dimanche soir.

★★☆☆☆

L'Enquête, Vincent Garenq (sortie le 11 février 2015)

Avec Gilles Lellouche, Charles Berling, Laurent Capelluto - France - 1h46

Synopsis

2001. Le journaliste Denis Robert met le feu aux poudres dans le monde de la finance en dénonçant le fonctionnement opaque de la société bancaire Clearstream. Sa quête de vérité pour tenter de révéler "l'Affaire des affaires" va rejoindre celle du juge Renaud Van Ruymbeke, très engagé contre la corruption. Leurs chemins vont les conduire au cœur d'une machination politico-financière baptisée "l'affaire Clearstream" qui va secouer la Vème République.

Disney décidément est en pleine modernisation ! Après la vague de coups de jeune donnée aux contes traditionnels, voici que le géant de l'animation revient sur les écrans avec un projet plus innovant, qui doit sans doute beaucoup à la récente fusion du groupe avec Marvel et Pixar. On retrouve dans Les Nouveaux Héros les caractéristiques de chacune de ces entités, dans un savant mélange des genres pour le moins réussi !

Ce métissage est totalement assumé et intégré à l'intrigue du film. Autour du thème du deuil, souvent présent dans les contes, on retrouve l'univers des super-héros de Marvel et les gadgets et l'humour chers à Pixar. Les personnages évoluent dans un paysage hybride au dosage parfait entre USA et Japon (à l'image de ce génial Golden Gate Bridge évoquant un Torii) et si leur aventures se font tour à tour vengeresses, justicières et technologiques, l'émotion quant à elle n'est jamais bien loin.

Mais la meilleure trouvaille de ce film d'animation parfaitement adorable, qui fera les beaux jours des ventes de produits dérivés, outre l'ambiance américano-japonaise, c'est le personnage de Baymax, side-kick mécanique du jeune héros. Le robot à l'apparence de gros nounours détonne singulièrement dans l'usage qui lui sera affecté, et c'est d'ailleurs à lui que l'on doit les meilleures scènes du film (la scène du low battery qui s'apparente à de l'ivresse est juste formidable !).

Avec ce film qui lorgne un peu de tous les côté et qui a sans nul doute tous les atouts pour séduire toutes catégories de public, Disney réussit le tour de force de viser large sans perdre son âme !

★★★☆☆

Les Nouveaux Héros (Big Hero 6), Don Hall & Chris Williams (sortie le 11 février 2015)

Avec (les voix de) Scott Adsit, Ryan Potter, Daniel Henney... - USA - 1h42

Synopsis

Un petit génie de la robotique nommé Hiro Hamada découvre qu’un complot criminel menace de détruire la ville de San Fransokyo. Avec l’aide de son plus proche ami, Baymax le robot infirmier, et de ses compagnons qu’il va transformer en une bande de superhéros high-tech, Hiro va tout faire pour sauver la ville et sa population de l’infâme Yokai…

Bon je m'en doutais un peu en allant voir ce qu'on me vendait comme une merveilleuse histoire, que ça n'allait pas transcender grand chose. Sélectionné aux Oscars, Biopic et tragédie amoureuse, tous les ingrédients de la bonne soupe hollywoodienne sont là, on n'est au moins pas trompés sur la recette !

Avec une narration et une réalisation tout ce qu'il y a de plus classique et plan-plan, James Marsh, qui est par ailleurs assez loin d'être un cinéaste de génie, nous sert une histoire d'amour certes hors normes, mais qui a relativement peu d'intérêt comparé à la personnalité et aux théories de son personnage, Stephen Hawking.

Entre guimauve et science, la balance penche tristement du côté sucré de la force et trouve son point d'orgue lorsque Jane tombe amoureuse du pasteur de sa paroisse... Pourtant malgré quelques beaux moments, Une Merveilleuse Histoire du Temps n'émeut jamais vraiment et se déroule sans éclat.

En fait, seule l'interprétation d'Eddie Redmayne, bien plus à son avantage que dans Jupiter Ascending, vaut vraiment le détour. Il incarne de façon très convaincante un Hawking facétieux et passionné malgré les déformations subies par son corps et rend le personnage vraiment attachant.

Cette performance (au potentiel d'Oscarisation élevé !) mise à part, rien d'inoubliable ne se dégage du film ; rien de détestable non plus.

★☆☆☆☆

Une Merveilleuse Histoire du Temps (The Theory of Everything), James Marsh (sortie le 21 jan 2015)

Avec Eddie Redmayne, Felicity Jones, Tom Prior - GB - 2h03

Synopsis

1963, en Angleterre, Stephen, brillant étudiant en Cosmologie à l’Université de Cambridge, entend bien donner une réponse simple et efficace au mystère de la création de l’univers. De nouveaux horizons s’ouvrent quand il tombe amoureux d’une étudiante en art, Jane Wilde. Mais le jeune homme, alors dans la fleur de l’âge, se heurte à un diagnostic implacable : une dystrophie neuromusculaire plus connue sous le nom de maladie de Charcot va s’attaquer à ses membres, sa motricité, et son élocution, et finira par le tuer en l’espace de deux ans.
Grâce à l’amour indéfectible, le courage et la résolution de Jane, qu’il épouse contre toute attente, ils entament tous les deux un nouveau combat afin de repousser l’inéluctable. Jane l’encourage à terminer son doctorat, et alors qu’ils commencent une vie de famille, Stephen, doctorat en poche va s’attaquer aux recherches sur ce qu’il a de plus précieux : le temps.

Film d'horreur franchement flippant, It Follows propose, au-delà de la simple épouvante, un parallèle assez fin sur la sortie de l'enfance et la sexualité adolescente.

Centré sur une malédiction que l'on transmet à son partenaire sexuel, lequel devra à son tour coucher pour s'en débarrasser, le film est d'une part une allégorie assez claire sur les MST, ces fantômes invisibles et menaçants dont l'ombre plane sur chaque rapport sexuel, mais aussi d'autre part sur l'angoisse de l'entrée dans l'âge adulte.

Car David Robert Mitchell, au travers de la peur qui ronge ses personnages, évoque avec finesse celle de grandir. Puisque c'est en quelque sorte par le sexe que l'on devient adulte, c'est bien qu'au-delà du plaisir, il s'accompagne de certaines responsabilités. Le choix de l'insouciance se fait désormais en connaissance de cause, ainsi la malédiction, dont on peut se débarrasser en la refilant à son prochain, reviendra tout de même si elle parvient à le tuer. Mieux vaut donc choisir avec soin si l'on veut espérer survivre... Toute cette ambivalence autour de la relation sexuelle est à l'image de ce que renvoie une société américaine aussi puritaine que délurée.

S'opposent également tout au long du film les peurs, primales et enfantines d'un côté, desquelles on se rassure tantôt sur une balançoire ou recroquevillé dans une forteresse de couvertures, et de l'autre l'objet de ces peurs, une sexualité brute qui dévore. L'ambivalence est partout, et c'est brillant !

Bourré de références aux grands de l'horreur, It Follows joue avec les clins d'oeils qu'il dispense et avec les codes. Les plans larges et travelling d'ordinaire rassurants ne sont ici que d’oppressantes sources d'angoisses auxquelles il est difficile de ne pas céder, et l'intérieur du foyer familial perd son côté cocon au profit d'une cauchemardesque claustrophobie. Seule la voiture, outil d'émancipation et de liberté, offre un bref répit au spectateur comme aux personnages.

It Follows est un film glaçant qui ne mise pas tout sur ses effets de manche et propose plusieurs niveaux de lecture. Le film invite à l'analyse et David Robert Mitchell est assurément un nom à suivre !

Foncez sans tarder découvrir ce conte délicieusement terrifiant !

♥♥♥♥

It Follows, David Robert Mitchell (sortie le 4 février 2015)

Avec Maika Monroe, Keir Gilchrist, Daniel Zovatto - USA - 1h40

Synopsis [Avertissement - 12ans]

Après une expérience sexuelle apparemment anodine, Jay se retrouve confrontée à d'étranges visions et l'inextricable impression que quelqu'un, ou quelque chose, la suit. Abasourdis, Jay et ses amis doivent trouver une échappatoire à la menace qui semble les rattraper...

On lit ça et là que Snow Therapy est une comédie grinçante et acide sur la famille. Je n'y ai pour ma part pas vu beaucoup d'humour ce qui m'a dans un premier temps laissée perplexe (ce film est-il raté ?), avant de réajuster mes attentes et découvrir le film tel qu'il est réellement (non il ne l'est pas).

Et ce qu'il est réellement, c'est une analyse froide et caustique, une douloureuse remise en question de l'image d’Épinal du couple et de la famille.

Autour d'un événement a priori anodin, tous les repères des personnages se disloquent doucement : une avalanche déclenchée préventivement prend l'espace d'un instant l'air menaçant et provoque la panique des personnes qui assistent au spectacle. Et dans cette panique, le père de famille, plutôt que de faire ce que tout le monde attend de lui (protéger sa famille) fuit pour sauver sa peau, seul.

Le malaise s'installe alors devant cet aveu de faiblesse et d'égoïsme que le père, dans le déni, refuse d'admettre. Cette incursion de l'inattendu dans la vie de ce couple et cette famille bien calibrée, va remettre en question tous ce qui avait été établi de façon implicite. La reflexion que cela provoque, est proprement fascinante.

Si, dans un premier temps, on est comme la mère, prompt à condamner tout de go la faiblesse du père, on parvient petit à petit à nuancer son point de vue pour décrypter non pas la réaction de cet homme mais les rouages qui nous amènent à la trouver si choquante.

S'il illustre son propos de manière parfois un peu grossière avec des scènes dont on peine à saisir l'utilité et dans une lenteur souvent assommante, Snow therapy permet toutefois une prise de recul intéressante sur nos propres automatismes et sur les rôles que l'on s'attribue, à soi autant qu'aux autres et souvent sans y penser, pour se conformer à des standards qui nous échappent.

Lorsque l'on réalise que soi-même ou son entourage ne correspond pas à ces standards, les bouleversements que cela impliquent peuvent être rudes. Or qui peut savoir comment il se comporterait en situation de crise ? Qui peut connaître ses instincts face au danger ? Ceux que l'on identifie, a posteriori, comme héros n'avaient, pas plus que les lâches, la certitude de l'être.

Bien plus réussi dans le fond que dans sa forme, Snow Therapy est en tout cas un film suédois qui interpelle, bien plus profond que la comédie noire à laquelle je m'attendais.

★★☆☆☆

Snow Therapy (Force Majeure), Ruben Öslund (sortie le 28 janvier 2015)

Avec Johannes Bah Kuhnke, Lisa Loven Kongsli, Clara Wettergren - Suède - 1h58

Synopsis

Une famille suédoise passe ensemble quelques précieux jours de vacances dans une station de sports d’hiver. Le soleil brille et les pistes sont magnifiques mais lors d’un déjeuner dans un restaurant de montagne, une avalanche vient tout bouleverser. Les clients du restaurant sont pris de panique, Ebba, la mère, appelle son mari Tomas à l’aide tout en essayant de protéger leurs enfants, alors que Tomas, lui, a pris la fuite ne pensant qu’à sauver sa peau… Mais le désastre annoncé ne se produit pas, l’avalanche s’est arrêtée juste avant le restaurant, et la réalité reprend son cours au milieu des rires nerveux. Il n’y a aucun dommage visible, et pourtant, l’univers familial est ébranlé. La réaction inattendue de Tomas va les amener à réévaluer leurs rôles et leurs certitudes, un point d’interrogation planant au dessus du père en particulier. Snow Therapy est une comédie grinçante sur le rôle de l’homme au sein de la famille moderne.

Mais quel étonnant mélange que voilà !

Rob Marshall, monsieur Comédie Musicale à Hollywood prend les commandes de cette adaptation du musical éponyme, lui-même adapté d'une sorte de medley de contes de fées.

A l'image d'un Mamma Mia, on retrouve un casting alléchant, Meryl Streep en tête, qui interprète ses propres morceaux. Le résultat est un mélange surprenant mais plutôt réussi qui parvient à donner un petit coup de frais à des contes de fées un brin poussiéreux. C'est dans la tendance actuelle chez Disney, qui modernise un peu son fond de commerce de grands classiques et il faut bien admettre que ça fonctionne plutôt bien !

Meryl Streep est l'atout principal du film, tant elle est absolument parfaite dans son rôle de sorcière bourrue mais pas bien méchante. Elle est nominée aux Oscars pour ce rôle, et une victoire serait méritée. Le reste du casting n'en est pas moins à la hauteur à l'exception peut-être d'un Johnny Depp dont la brève apparition frôle un peu le ridicule...

Les intrigues des différents contes sont reliées par un fil rouge habile et bien trouvé et les scénètes se succèdent avec un rythme enjoué. Si le film ne dégage certes rien de spectaculaire si ce n'est sa joyeuse énergie, il n'en reste pas moins réussi et permettra à petit et grands de passer un moment agréable.

En bref, un joli film, revigorant et sympathique, idéal pour un dimanche d'hiver.

★★★☆☆

Into the Woods, Rob Marshall (sortie le 28 janvier 2015)

Avec Meryl Streep, James Corden, Emily blunt, anna Kendrick, Chris Pine, Johnny Depp - USA - 2h05

Synopsis

Les intrigues de plusieurs contes de fées bien connues se croisent afin d’explorer les désirs, les rêves et les quêtes de tous les personnages. Cendrillon, le Petit Chaperon rouge, Jack et le haricot magique et Raiponce, tous sont réunis dans un récit où interviennent également un boulanger et sa femme qui espèrent fonder une famille, mais à qui une sorcière a jeté un mauvais sort…

A lire aussi :

Le Petit Poucet, Marina de Van (2010)
Blancanieves, Pablo Berger (2012)
Blanche-Neige, Tarsem Singh (2012)
Hansel et Gretel, Tommy Wirlola (2012)
Jack, chasseur de géants, Bryan Singer (2013)
La Belle et la Bête, Christophe Gans (2014)
Maléfique, Robert Stromberg (2014)
Pan, Joe Wright (2015)
Le Livre de la Jungle Jon Favreau (2016)
La Belle et la Bête, Bill Condon (2017)

C'est toujours aussi fasciné par la jeunesse et cette adolescence trash à la dérive que Clark installe sa caméra à Paris pour suivre un groupe de jeunes skaters dans leurs errements sexuels et narcotiques.

On appréciait Larry Clark pour ce regard sans condescendance et sans fard sur l'envers du décor d'une jeunesse paumée en quête de repères. Mais on est loin de retrouver ce souffle inspirant dans le très fade Smell of Us.

Un film peut-il être fade tout en parlant et montrant la prostitution de mineurs, l'inceste, la drogue et la mort ? Apparemment oui, d'ailleurs même la froideur photographique qui rendait les films de Clark plus trash encore est ici absente. On sent la provocation gratuite et vaine plutôt qu'une réelle subversivité et c'est loin d'être choqué et plutôt sans grande émotion (un comble!) que l'ont regarde mollement se dérouler sous nos yeux ennuyés cet énième mélange, sordide mais cette fois sans âme, de réalité et de fiction.

L'usage de smartphones et autres outils modernes au service de l'image aurait pu donner une nouvelle jeunesse à l'oeuvre d'un Clark de toute évidence vieillissant (mal), mais ce n'est malheureusement pas le cas.

C'est alors avec l'impression d'avoir écouté un vieil oncle un peu pervers radoter ses provocations sans fond qu'on quitte la salle, soulagé mais un peu triste.

★☆☆☆☆

The Smell of Us, Larry Clark (sortie le 14 janvier 2015)

Avec Lucas Ionesco, Diane Rouxel, Theo Cholbi, Dominique Frot - France - 1h28

Synopsis [AVERTISSEMENT -16ans]

Paris, Le Trocadéro.
Math, Marie, Pacman, JP, Guillaume et Toff se retrouvent tous les jours au Dôme, derrière le Palais de Tokyo. C’est là où ils font du skate, s’amusent et se défoncent, à deux pas du monde confiné des arts qu’ils côtoient sans connaître. Certains sont inséparables, liés par des vies de famille compliquées. Ils vivent l'instant, c’est l’attrait de l’argent facile, la drague anonyme sur Internet, les soirées trash "youth, sex, drugs & rock’n’roll".

En lisant le synopsis de The Cut, on s'attend, bien légitimement, à un film historique consacré au sujet, sensible s'il en est (Akin a d'ailleurs reçu des menaces de mort à ce propos) du génocide arménien. Il n'en sera rien et le décalage assez incompréhensible entre le sujet du film et la façon dont il est traité pourra, à juste titre, choquer le spectateur.

Car si le film retrace en effet grossièrement les événements autour de l'invasion de l'Arménie et des massacres qui s'ensuivirent, Akin fait le choix de balayer d'un revers de manche tout aspect politique pour consacrer son film, sous la forme forme d'une aventure, à l'épopée rocambolesque d'un homme.

Alors certes, les mésaventures du héros permettent au réalisateur de montrer plusieurs aspects historiques, mais de manière très lisse, presque hollywoodienne. Et si le côté historique est effectivement très documenté, Akin fait preuve, dans son parti-pris et en particulier dans plusieurs scènes, d'une telle maladresse que ça en devient gênant.

Utiliser un génocide comme toile de fond d'une aventure, le procédé est douteux et l'on peut s'interroger sur les motivations de Fatih Akin. N'a-t-il pas voulu s'intéresser à l'environnement politique de cette période ou bien n'a-t-il pas réussi à le faire ?

Malgré tout, l'histoire de Nazaret est de ces épopées magistrales que l'on a plaisir à découvrir et Tahar Rahim, malgré un flagrant problème de langue, est vraiment convainquant dans ce rôle de père courage prêt à tout pour retrouver ses filles. Le problème de la langue justement, va au-delà du rôle de Tahar Rahim et concerne l'ensemble du film. Les différentes ethnies et langues parlées ne sont pas respectées et certains acteurs interprètent clairement un texte appris en phonétique, et pour que l'on s'en rende compte sans maîtriser les langues en question, c'est que c'est vraiment flagrant. Dommage.

Malgré tous ces défauts, que l'on parvient malgré tout à oublier assez aisément, The Cut est un film qui à défaut de réellement s'engager idéologiquement (et c'est vraiment un mauvais choix !) fait preuve d'une belle ampleur et réserve quelques beaux moments d'émotion.

★★☆☆☆

The Cut, Fatih Akin (sortie le 14 janvier 2015)

Avec Tahar Rahim, Simon Abkarian, Makram Khoury - Allemagne / France - 2h18

Synopsis

Anatolie, 1915. Dans le tumulte de la Première Guerre mondiale, alors que l’armée turque s’attaque aux Arméniens, le jeune forgeron Nazaret Manoogian est séparé de sa femme et ses deux filles. Des années plus tard, rescapé du génocide, Nazaret apprend que ses filles sont toujours en vie. Porté par l’espoir de les retrouver, il se lance dans une quête éperdue, ponctuée de rencontres avec des anges et des démons, du désert de la Mésopotamie aux prairies sauvages du Dakota...

Après l'espèce d'ovni transcendantal, pas tout à fait loupé mais pas tout à fait réussi non plus qu'était Cloud Atlas, les Wachowskis et leur univers décidément particulièrement décalé, accouchent d'un Jupiter Ascending plus WTF que jamais !

Space fantasy complètement kitch et dont le titre français (Jupiter : le destin de l'univers) reflète pour une fois parfaitement l'ambiance, Jupiter est une sorte de conte de fées futuriste dans lequel une terrienne anonyme, sorte de Cendrillon moderne et insatisfaite de son sort découvre qu'elle est en réalité l'héritière de... la Terre. Rien de moins.

Entre guerres fratricides et incidents diplomatiques, elle va devoir se battre pour conserver et faire valoir son titre, épaulée par un so sexy garde du corps, lycanthrope spécialiste du surf de l'espace (no comment). Enfin quand je dis se battre, tout est relatif puisque tout le côté baston est évidemment assuré par un Channing Tatum tout en muscles, le personnage de la princesse se contentant d'accumuler gaffes et décisions stupides pour donner du grain à moudre à son sauveur multi-récidiviste.

Le gros problème de Jupiter, outre le cruel manque de charisme de ses acteurs principaux, c'est qu'on ne sait jamais trop s'il faut le prendre au sérieux ou s'il s'agit en réalité d'une grosse farce intergalactique plutôt réussie. Dans un cas comme dans l'autre, entre une histoire d'amour (la princesse et le garde du corps, tant qu'à faire, faisons dans l'originalité) aussi ridicule que prévisible et le personnage dramatiquement caricatural de Damzel in Distress, on est vite tenté de lâcher l'affaire.

Kitch jusqu'au dernier centimètre de pellicule, Jupiter n'est toutefois pas complètement raté et présente même beaucoup d'atouts pour incarner le grand retour de la fantasy sur les écrans (yeay !). Si le scénario est loin d'être à la hauteur (se peut-il qu'il s'agisse d'une parodie??) de l'univers créé par les Wachowskis, c'est bien que ledit univers présente d'indéniables qualités. En quelques dizaines de minutes, le décor est planté et les personnages galactiques construits. Les décors et costumes sont flamboyants, on sent qu'on a pas lésiné sur le budget de ce côté-là !

On n'en regrette que d'avantage le choix du casting et la mauvaise écriture du personnage principal. Quel dommage que l'héroïne, fil conducteur du film, soit si inconsistante (et franchement complètement stupide), incarnée qui plus est par une Mila Kunis encore plus fade et ahurie que d'habitude ! Impossible avec un personnage pareil de réellement entrer dans le film, et ce n'est pas Channing Tatum qui relève beaucoup le niveau dans ce rôle de mutant mutique aussi charismatique qu'une endive.

Jupiter ne restera probablement pas dans les annales, si ce n'est en tant qu'énième "Ovni des Wachowskis". Dommage, on n'était vraiment pas loin du carton...

★★☆☆☆

Jupiter Ascending, Lana & Andy Wawhowski (sortie le 4 février 2015)

Avec Mila Kunis, Channing Tatum, Sean Bean - USA - 2h07

Synopsis

Née sous un ciel étoilé, Jupiter Jones est promise à un destin hors du commun. Devenue adulte, elle a la tête dans les étoiles, mais enchaîne les coups durs et n'a d'autre perspective que de gagner sa vie en nettoyant des toilettes. Ce n'est que lorsque Caine, ancien chasseur militaire génétiquement modifié, débarque sur Terre pour retrouver sa trace que Jupiter commence à entrevoir le destin qui l'attend depuis toujours : grâce à son empreinte génétique, elle doit bénéficier d'un héritage extraordinaire qui pourrait bien bouleverser l'équilibre du cosmos…

Biopic consacré au génial inventeur de l'informatique et nominé 8 fois aux Oscars 2015, The Imitation Game laisse présager un film grandiose, s'intéressant à l'intelligence artificielle et à la personnalité complexe du scientifique. Malheureusement, Morten Tyldum, obscur réalisateur norvégien, s'obstine à traiter son film comme un banal film d'espionnage, ce à quoi l'intrigue se prête très mal.

Le problème avec The Imitation Game c'est qu'il est bourré de sujets intéressants, que le réalisateur semble s'efforcer d'éviter à tout prix. Outre un académisme planplan dénué du génie qui caractérise son héros, le film souffre des partis-pris du réalisateur qui choisit de consacrer la partie centrale du film non pas à l'intelligence artificielle ou à la personnalité de Turing mais à son rôle dans le déchiffrage d'Enigma pendant la 2e guerre mondiale.
Or ce thème, bien que déterminant dans le parcours de Turing, est fort peu cinématographique. Les rouages et reflexions complexes qui ont mené aux résultats ne peuvent être montrés de façon convaincante et seule la machine, qui incarne les prémices des ordinateurs actuels, bénéficie d'une reconstitution visuellement intéressante. Le reste n'est que discours, disputes et feuilles de codes qui s'envolent.

Il aurait pourtant été si intéressant de consacrer le film à ce qui lui inspire son titre (titre trompeur s'il en est!), un test mis au point par Turing pour distinguer l'homme de la machine. Ces réflexions autour de l'intelligence artificielle (qui ont inspiré le test de Voigt-Kampff à Philip K. Dick) combinées à la personnalité complexe du chercheur, misanthrope, asocial et incapable d'interpréter les non-dits, auraient constitué un formidable sujet bien plus intéressant que le film d'espionnage indigeste que l'on retrouve sur les écrans.

Mais Tyldum, dans son envie appliquée de bien faire (chaque chose à sa place et chaque chose en son temps) est poussé vers une soupe académique dont seule la performance de Cumberbatch émerge.

C'est en effet la nomination la plus méritée pour les Oscars 2015, tant l'interprétation de Cumberbatch est subtile et inspirée. Loin de tomber dans la caricature, l'acteur insufle tout en nuances une profondeur délicate à son rôle, pour proposer une vision de Turing humaine et émouvante.
On passera en revanche sous silence les éternels minaudages de Keira Knightley qui pourrait postuler pour le prix de Miss Frimousse 2015 tant elle accumule les mimiques "so cute". Elle sait pourtant parfois faire mieux que ça, quand elle est dirigée...

The Imitation Game est finalement dévoré par sa propre ambition, film à Oscar sans relief ni enthousiasme. Quel dommage !

★★☆☆☆

The Imitation Game, Morten Tyldum (sortie le 28 janvier 2015)

Avec Benedict Cumberbatch, Keira Knightley, Matthew Goode - USA / GB - 1h55

Synopsis

1940 : Alan Turing, mathématicien, cryptologue, est chargé par le gouvernement Britannique de percer le secret de la célèbre machine de cryptage allemande Enigma, réputée inviolable.

J'ai eu un peu de mal à accrocher à Foxcatcher, qui malgré une mise en scène alléchante et un casting fantastique, peine à mettre en place sa problématique et poser son point de vue.

Le fait divers dont le film est inspiré est glaçant, empreint d'une rage et d'une souffrance dont on peine à prendre la mesure. Les enjeux, profondément ancrés dans les recoins de la psychée des personnages, restent mystérieux et complexes et l'acte final est si démesuré qu'il est incompréhensible.

Si les personnages sont tous interprétés avec talent et si leurs relations, malsaines, fascinent et font la force du film, il manque à ce trio dysfonctionnel une dimension. Et au film un parti-pris.

Car Foxcatcher n'est finalement que la mise en image, certes talentueuse, de ce que l'on a pu apprendre au cours de l'enquête. Dommage de ne pas avoir extrapolé autour de ce matériau de base pour présenter, dans cet écrin éblouissant, mené par un Carrel méconnaissable, une hypothèse un peu plus creusée, des relations complexes entre les personnages et les moteurs de leurs actes.

Ce manque de parti-pris mène à un film bancal, où les interprétations, denses et fascinantes, des acteurs manquent de matière pour s'épanouir pleinement. L'intérêt de ce type de fiction, inspirée de faits réels, est justement de se permettre d'aller au-delà de la réalité, ce que Miller ne fait pas.

Reste que le film a d'indéniables qualités, notamment en termes d'interprétation et de mise en scène. Le maquillage de Carrel (dont je ne comprends toutefois pas tout à fait l'utilité...), est bluffant et Channing Tatum apparaît dans l'un de ses meilleurs rôles.

★★☆☆☆

Foxcatcher, Bennett Miller (sortie le 21 janvier 2015)

Avec Channing Tatum, Steve Carell, Mark Ruffalo, Sienna Miller, Vanesa Redgrave - USA - 2h15

Synopsis

Inspiré d’une histoire vraie, Foxcatcher raconte l’histoire tragique et fascinante de la relation improbable entre un milliardaire excentrique et deux champions de lutte.

Lorsque le médaillé d’or olympique Mark Schultz est invité par le riche héritier John du Pont à emménager dans sa propriété familiale pour aider à mettre en place un camp d’entraînement haut de gamme, dans l’optique des JO de Séoul de 1988, Schultz saute sur l’occasion : il espère pouvoir concentrer toute son attention sur son entraînement et ne plus souffrir d’être constamment éclipsé par son frère, Dave. Obnubilé par d’obscurs besoins, du Pont entend bien profiter de son soutien à Schultz et de son opportunité de « coacher » des lutteurs de réputation mondiale pour obtenir – enfin – le respect de ses pairs et, surtout, de sa mère qui le juge très durement.

Entre la paranoïa croissante de du Pont et son éloignement des deux frères, les trois hommes semblent se précipiter vers une fin tragique que personne n’aurait pu prévoir…

J'avoue que j'ai vraiment du mal à comprendre l'engouement, de la presse notamment, autour de ce film... J'en avais entendu beaucoup de bien et c'est presque convaincue d'avance que je suis allée le voir, certaine d'au moins passer un bon moment, si ce n'est de me payer une franche rigolade. De l'humour noir, cynique et cruel, chez moi normalement ça fonctionne.

Or là, après la scène d'ouverture dans l'avion qui fait encore illusion quelques instants, aucun des 5 autres sketchs n'a réussi à me faire esquisser ne serait-ce qu'un sourire. Alors oui c'est cruel et cynique. Mais pas une once d'humour là-dedans !! Tout juste un enchaînement de scènes sans ampleur dramatique, sans personnages délicieusement mauvais, et surtout sans le moindre ressort comique. Juste de pauvres crétins qui s'entretuent bêtement et sans passion.

Il n'y a même pas ce côté cathartique et défoulatoire qui aurait permis au spectateur de défouler ses petites frustrations quotidienne par procuration, tant il manque aux scènes qui provoquent le pétage de plomb des personnages une dimension universelle dans laquelle on pourrait se reconnaître. C'est tout juste si le personnage de Ricardo Darin qui se transforme en terrorisme à cause de PV injustifiés à répétition éveille en nous une vague compassion.

Bref un film raté qui se retrouve à des années-lumières de ce qu'il aurait pu être ! Oh ce qu'on aurait pu faire avec les matériaux de chaque sketch entre les mains d'un scénariste un peu plus grinçant qui aurait oublié sa petite morale niaise pour proposer quelque chose de [vraiment] vilain. Méchant. Caustique. Au lieu de quoi, pour éviter de choquer l'audience et se priver d'une partie du public, Szifron, qui n'est décidément pas le nouveau poulain argentin, livre une espèce de soupe sans saveur ni consistance, qui sera bien vite oubliée.

Bref je me suis ennuyée, décidément la sélection Cannoise 2014 est bien décevante...

★☆☆☆☆

(pour la scène d'ouverture)

Les Nouveaux Sauvages (Relatos salvajes), Damián Szifron (sortie le 14 janvier 2015)

Avec Ricardo Darín, Oscar Martinez, Leonardo Sbaraglia - Argentine - 2h02

Synopsis

L'inégalité, l'injustice et l'exigence auxquelles nous expose le monde où l'on vit provoquent du stress et des dépressions chez beaucoup de gens. Certains craquent. Les Nouveaux sauvages est un film sur eux. Vulnérables face à une réalité qui soudain change et devient imprévisible, les héros des Nouveaux sauvages franchissent l'étroite frontière qui sépare la civilisation de la barbarie. Une trahison amour, le retour d'un passé refoulé, la violence enfermée dans un détail quotidien, sont autant de prétextes qui les entraînent dans un vertige où ils perdent les pédales et éprouve l'indéniable plaisir du pétage de plombs.

J'ai découvert Les Petites Fugues, grand classique du cinéma suisse sorti en 1979 mais dont je n'avais jamais entendu parler, dans une salle comble lors de la projection annuelle du Film surprise des Cinémas Star à Strasbourg. Comme quoi, aller au cinéma les yeux fermés (façon de parler) peut réserver de belles surprises !

Les petites fugues est un film délicieux qui se déguste comme un chocolat (il n'est pas suisse pour rien !) : en le laissant fondre plutôt qu'en le croquant goulument.

Son rythme est lent. Contemplatif presque. Mais pour peu qu'on laisse au film le temps de s'installer, il finira par happer le spectateur tant ce qu'il raconte est riche ! Yves Yersin, en plus d'être parfaitement adorable (oui il était présent à la projection ! ♥), calcule ses plans pour mettre en lumière ses personnages, leurs luttes, leurs déceptions et leurs espoirs.

Centré sur Pipe, un ouvrier agricole vieillissant, incarné par un Michel Robin formidable, qui avec l'acquisition tardive de son premier vélomoteur fait l'expérience de la liberté, le film s'intéresse en parallèle à bien plus que l'émancipation d'un vieil homme.

Chacun des personnages a sa trame narrative et sa problématique, mais chacun se retrouve dans une lutte entre le patriarcat (incarné par le père, qui résiste pour conserver ses méthodes, status quo qui le place en position dominante) et le peuple, que ce soit la jeunesse toute entière (avec le fils et son appétit pour la modernité) ou les femmes plus particulièrement (avec la fille, mère célibataire qui rêve d'indépendance) ou encore la classe ouvrière (avec Pipe, l'ouvrier qui se rebiffe et décide que vivre sa vie est plus important que se dédier corps et âme dans son travail).

Les petites fugues décrites dans le titre sont autant de moments joyeux dans lesquels Pipe, le héros maladroit du film, s'ouvre à la vie qu'il semble n'avoir jusque là côtoyée que de loin. Il expérimente alors la liberté jusqu'à l'ivresse. Jusqu'à la gueule de bois. Avant de réaliser bien contre son gré que la fuite ne mène à rien si elle n'est que cela et non une construction. C'est alors avec un appareil photo, trophée de sa liberté nouvellement gagnée, qu'il va finalement réussir à se construire et échapper à la morosité et la routine de son quotidien.

Marqué par plusieurs scènes absolument inoubliables telles que l'apprentissage du vélomoteur par un Pipe aussi gauche qu'un enfant ou l'envol symbolique au-dessus de la campagne vaudoise, Les Petites Fugues s'installera durablement dans le coeur du spectateur !

Découvrir un classique le regard neuf pour la première fois, plus de 35 ans après sa sortie est un moment rare qui se savoure, et ce film est de ceux-là ! Il ressort brièvement en salle en ce début d'année. S'il passe chez vous, foncez !

★★★★★

[Le Film Surprise des Cinémas star, c'est chaque année en janvier, tentez l'expérience !!]

Les Petites Fugues, Yves Yersin (sortie le 12 septembre 1979 - re-sortie à Strasbourg le 28 janvier 2015)

Avec Michel Robin, Fred Personne, Mista Préchac - Suisse - 2h11

Synopsis

Pipe, valet de ferme depuis trente ans, décide de s'acheter un vélomoteur. Ses appréciables allocations d'assurance vieillesse lui permettent désormais de penser aux vacances. Après l'avoir admiré, choyé, bichonné, il apprend, grâce aux conseils avisés de Luigi, un employé saisonnier, les premiers rudiments de la conduite. Dès lors, Pipe part à la découverte du vaste monde. Il gravit des sommets et s'émerveille devant la beauté des paysages alpins. Malheureusement, Pipe provoque un accident et se voit retirer son vélomoteur. Devenu dépressif, il ne soigne son mal qu'en recourant à un autre objet magique, un appareil photo qu'il a gagné lors d'un concours...

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